Charlie Hebdo a abordé à plusieurs reprises le problème de l’existence de Jésus. La dernière fois, ce tragique 7 janvier 2015, Antonio Fischetti le journaliste scientifique de Charlie disait pourquoi Jésus n’a pas existé. Dans une colonne parallèle, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur défendaient l’historicité de Jésus.
Cet article repose sur des raisonnement discutables et des erreurs factuelles. Il ne permet donc pas d’établir quoi que ce soit.
Gérard Mordillat et Jérôme Prieur sont les réalisateurs de Corpus Christi. Il s’agit d’une série télévisée sur Jésus diffusée sur la chaîne de télévision Arte en 1997. Gérard Mordillat et Jérôme Prieur ne sont pas des historiens professionnels mais ils se sont sérieusement documentés sur Jésus, ils ont étudié le dossier, ils se sont posé la question de l’existence de Jésus.
Critique de l’article de Mordillat et Prieur
Mordillat et Prieur écrivent : « Si Jésus n’était qu’un personnage imaginaire, pourquoi les évangélistes seraient-ils souvent si discordants d’un texte à l’autre ? N’auraient-ils pas dû donner de Jésus un portrait cohérent ? »
Les « discordances » entre les évangiles sont en fait de nombreuses et graves contradictions (voir Une invention nommée Jésus). Quand des textes se contredisent, cela montre que leurs auteurs étaient mal renseignés ou qu’ils ont inventé. Je ne vois pas quelle logique conduit nos auteurs à considérer ces « discordances » comme un argument en faveur de l’existence de Jésus.
Mordillat et Prieur écrivent : « Si son rôle était d’incarner le fondateur d’une nouvelle religion, pourquoi les quatre Évangiles s’ingénieraient-ils à l’inscrire dans le judaïsme ? » Ils signalent avec raison que Jésus (celui que racontent les évangiles, qu’il soit réel ou inventé) était ancré dans le judaïsme.
La conséquence est claire : Jésus (personnage réel ou inventé) était ancré dans le judaïsme, il n’avait pas pour « rôle était d’incarner le fondateur d’une nouvelle religion » mais de promouvoir sa vision du judaïsme. Une religion nouvelle est née au nom de Jésus mais Jésus ou ses inventeurs ne l’ont pas voulus. Je ne vois pas en quoi il s’agit d’un argument en faveur de l’existence de Jésus.
Mordillat et Prieur écrivent : « Pourquoi tant de complications, d’anomalies, de contradictions ? »
En quoi est-ce un argument en faveur de l’existence de Jésus ?
Mordillat et Prieur écrivent : « La crucifixion, “le pire des supplices”, était réservé aux esclaves rebellés contre leurs maîtres et au crime de lèse majesté. »
C’était peut-être vrai à Rome. Cependant en Palestine les Romains ont crucifié des milliers de Juifs révoltés. Par exemple, pour des événements se déroulant peu avant Jésus-Christ Flavius Josèphe, un historien du Ier siècle raconte : « les plus coupables, au nombre de deux mille environ, furent mis en croix ». La Guerre des Juifs, 2,5,1-2. En Palestine, la crucifixion n’était certainement pas aussi infamante que le disent Mordillat et Prieur.
Mordillat et Prieur écrivent : « La crucifixion, “le pire des supplices”, était réservé aux esclaves rebellés contre leurs maîtres et au crime de lèse majesté. Jésus a donc été condamné et supplicié par les Romains pour un motif romain d’ordre public. Les Évangiles – qui apparaissent autour de la première révolte juive (66-70) – témoignent que celui qu’ils célèbrent comme Seigneur et fils de Dieu a été exécuté comme un vulgaire criminel politique, alors que ce fait constitue un embarras majeur pour les premières communautés “chrétiennes” au moment même où elles cherchent à être tolérées par Rome. »
L’idée que vers 66-70 « les premières communautés “chrétiennes” […] cherchaient à être tolérées par Rome » est une affirmation absolument gratuite. Le raisonnement construit sur cette affirmation gratuite ne vaut donc pas mieux.
Mordillat et Prieur écrivent : « Il suffit d’ouvrir une synopse, le tableau comparatif des quatre Évangiles, pour voir qu’entre celui de Marc (le plus primitif) et celui de Jean (le plus tardif) le personnage de Pilate passe du rôle de procureur à celui d’avocat ! »
C’est tout simplement faux. Dans l’évangile de Jean et dans l’évangile de Marc Pilate se fait l’avocat de Jésus contre les Juifs qui veulent sa mort :
« Pilate leur disait : Quel mal a-t-il donc fait ? Mais ils [les grands-prêtres et la foule] crièrent de plus belle : Crucifie-le. » (Marc 15,14).
Pilate « ressortit vers les Juifs leur dire : je ne trouve en lui aucun motif. Mais c’est pour vous une coutume que je vous relâche quelqu’un à la Pâque. Ils se remirent à crier : Pas lui mais Barabbas. Et Barabbas était un bandit. » (Jean 18,38-40).
Le raisonnement construit sur cette affirmation fausse ne vaut donc pas mieux.
Mordillat et Prieur s’en prennent ensuite aux « néorationalistes » et aux « nouveaux rationalistes » sans nous dire ni qui ils sont ni ce qu’ils disent. On sait seulement qu’ils « confondent Jésus et Jésus-Christ » et que leur discours « est toujours le cache-nez d’un antisémitisme plus ou moins involontaire. Un négationnisme. » L’insulte est grave, elle mériterait d’être expliquée.
Il est dommage que Mordillat et Prieur n’aient pas trouvé mieux que cela pour défendre l’existence de Jésus.
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